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중국 - 납중독 아이들

Kant 2007. 7. 21. 17:55
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Une famille intoxiquée par le plomb dans un hôpital
à Xian, dans la province chinoise du Shaanxi,
le 7 septembre 2006.


Reportage

Sang de plomb à Xinsi

LE MONDE | 20.07.07 | 15h00  •  Mis à jour le 20.07.07 | 15h00
XINSI (CHINE) ENVOYÉ SPÉCIAL

Avec ses collines verdoyantes et ses maisons de briques ou de terre, le village de Xinsi, dans le sud de la province du Gansu, est riant sous le soleil de juillet. Ils sont une vingtaine de parents à s'être rassemblés dans la maison de la famille Zhou pour raconter le mal qui ronge leurs enfants : les dents qui poussent noires et trop tard, les douleurs autour du nombril et aux genoux, les migraines et les vertiges. Des maux supportables s'ils ne portaient en eux un sinistre présage : tous, ici, savent désormais que le plomb affecte le cerveau et les organes des enfants au-delà de 100 microgrammes par litre de sang, seuil d'une maladie appelée saturnisme.

Ils tendent les feuilles d'analyse des laboratoires. Les taux, à Xinsi, Mouba et dans les villages alentour, où vivent environ 5 000 personnes, sont compris entre 300 et 800 microgrammes par litre de sang. Des proportions suffisantes pour endommager le système nerveux des enfants, provoquer de l'anémie ou même des encéphalites mortelles. Zhou Men, 13 ans, dont les certificats d'excellence recouvrent le mur de la salle à manger, a une plombémie (taux de plomb dans le sang) de 395. "Elle était première de sa classe. Elle a du mal à suivre et n'est plus que cinquième", dit Wang Shuhong, sa mère. Chez Guo Longbo, un jeune de 17 ans, plutôt chétif, le taux est de 686. Lui aussi se plaint de trous de mémoire. Un père de 35 ans, Bai Zhiqiang, raconte comment son fils est né avec une malformation cardiaque. Il est mort en octobre 2006, à dix-huit mois, avec une plombémie de 619. "Le médecin nous a dit que c'était lié à l'intoxication au plomb, mais qu'il ne pouvait pas l'écrire", dit l'homme, qui a englouti ses économies dans les opérations tentées pour sauver l'enfant. Il pétitionne auprès du gouvernement local pour qu'on lui rembourse les frais médicaux - et pour le droit d'avoir un autre enfant.

Depuis des années, les paysans se plaignaient des poussières noires qui recouvrent les potagers et font dépérir les plants de soja. "Nos légumes se vendaient mal dans le coin, les gens étaient soupçonneux. On n'imaginait pas qu'il y avait un impact sur la santé", dit Zhou Yongjie. En compensation, la communauté recevait 10 000 yuans (1 000 euros) par an du directeur des deux fonderies de minerai de plomb situées à l'entrée du village, non loin de l'école primaire. Elles fonctionnaient jour et nuit. Une quinzaine de villageois y travaillaient - les fonderies employaient surtout des migrants venus d'ailleurs. "On portait un masque tout simple et un casque de chantier. On devait faire une prise de sang par an. On partait quelquefois en cure, et ceux qui avaient des problèmes au foie et aux reins n'étaient pas rembauchés. Mais on n'a jamais su quel taux de plomb on avait", dit Zhao Baozhong, qui y a travaillé pendant neuf ans.

Les paysans se rendront compte de manière accidentelle que la pollution les a empoisonnés : en mars 2006, les Zhou emmènent d'urgence leur fils, Zhou Hao, 5 ans, dans un hôpital de Xian, la capitale de la province voisine du Shaanxi, à sept heures de route, car il s'est électrocuté en touchant un transformateur non protégé.

Le médecin s'alarme de découvrir autant de plomb dans le sang de l'enfant, qui supporte difficilement les opérations chirurgicales et cicatrise mal. Il sera amputé d'un bras. Pour les parents, le plomb est un moindre mal. Mais quand ils ramènent en août l'enfant au village, ils en parlent aux villageois qui se rendent tous à Xian se faire examiner. Onze enfants doivent alors être hospitalisés d'urgence. De colère, les villageois détruiront la route qui mène à l'usine.

La presse du Shaanxi s'intéresse à l'affaire, qui sera ensuite reprise par les médias nationaux, prompts à sonner l'alarme en matière de pollution : les fonderies, filiales de la Gansu Luo Ba, un groupe d'Etat passé, en 2005, aux mains du privé, sont fermées. Des dépistages sont organisés à Huixian, la capitale du district, grâce à l'argent reçu de la liquidation des usines. Quelque 300 enfants sont de nouveau testés, avec des résultats similaires.

Une enquête est ouverte auprès de responsables de l'agence locale de l'environnement, ainsi que du parti - qui finiront par être sanctionnés en mars. Enfin, 180 enfants de moins de 14 ans ont droit à une cure de vingt jours à Huixian, à l'automne 2006, puis sont renvoyés chez eux avec de petits sachets de vitamines à 1 yuan (0,10 euro).

Depuis décembre, les villageois sont abandonnés à leur sort : "Nous devons acheter nous-mêmes des suppléments nutritifs pour les enfants, qui coûtent 30 yuans la boîte (3 euros). Le spécialiste de Xian avait prévenu qu'ils devaient rester hospitalisés", dit Wang Shuhong, la mère de Zhou Hao. Surtout, les autorités ne reconnaissent plus les tests effectués à l'extérieur du Gansu. Au lieu des analyses détaillées des laboratoires, les paysans ne reçoivent désormais plus qu'un avis de l'administration mentionnant la dose de plomb dans le sang. "Nous n'avons plus confiance", poursuit Wang Shuhong qui, en retournant à Xian, a découvert que la plombémie de son fils était deux fois plus élevée que celle établie à Huixian en décembre. Elle a dû y faire les tests à ses frais - les Zhou ont reçu une indemnité non pour l'intoxication au plomb, mais pour l'électrocution de leur enfant, de la part du fabricant du transformateur.

Les villageois dénoncent les tentatives des pouvoirs locaux, une fois l'affaire jugée classée à Pékin, de circonscrire à quelques villages de pestiférés un mal qui serait bien plus généralisé. Plusieurs villages ont reçu l'interdiction formelle de se faire tester. A Huixian, les unités de travail préviennent les gens qu'ils seront licenciés s'ils font des analyses. "C'est loin et cher d'aller à Xian, personne ne le fait", dit Li Jianzhong, un habitant du village voisin de Mouba qui a pris en main la défense des paysans et estime que près de 10 000 personnes ont une plombémie supérieure à 200 dans la zone.

Plusieurs mines de plomb et fonderies sont encore en activité autour de Huixian, qui est à quelques kilomètres à peine de Xinsi. Parce qu'elles recèlent des métaux rares (nickel, zinc, or et plomb) les terres du Gansu sont soumises à une exploitation intensive, le plus souvent pour le compte de sociétés détenues par des officiels reconvertis - comme ce fut le cas pour le patron de la Gansu Luo Ba, dont un autre groupe, le Gansu Baohui, a déjà repris les activités dans ses propres fonderies. A Xinsi, les habitants n'ont jamais eu voix au chapitre dans les affaires qui les concernent : "Les chefs de village sont tous désignés par les leaders du parti. Il y a eu un scandale, donc ils se tiennent tranquilles et attendent de voir si on a des compensations. Leur mentalité est ignoble", s'emporte Bai Zhiqiang.

Contactés par le Centre d'assistance légale aux victimes de la pollution (CLAPV), une ONG de Pékin, les villageois de Xinsi placent leurs espoirs dans un procès en nom collectif. Le Centre, qui cherche des cas exemplaires, capables de faire jurisprudence, a conduit plusieurs groupes de plaignants à des victoires le plus souvent symboliques. "Ce n'est pas facile car nous avons très peu de moyens, prévient Wang Fengjun, l'avocat qui suit l'affaire. Le gouvernement local met des obstacles à nos recherches sur place, et puis il n'y a pas de réglementation sur les montants des réparations dans ce genre de cas en Chine."

Brice Pedroletti
Article paru dans l'édition du 21.07.07.



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